C’est dans le cinéma de Vineyard Haven à Martha’s Vineyard, petite île pleine de charme près de Boston, que j’ai découvert en avant-première (pour les français le film est sorti hier) « Batman - The Dark Knight », le chevalier noir, http://thedarkknight.warnerbros.com/. Entraînée par mes amis, je jetais un regard plein de fraîcheur sur ce super-héros, créé en 1939 aux Etats-Unis, et qui, de comics en diverses versions cinématographiques, fait partie intégrante de la culture américaine, et est connu de tous les petits ou « ex-petits » garçons du monde entier. Dernier film de Heath Leadger avant sa mort (merveilleux acteur dans Le Secret de Brokeback Mountain), premier au box-office, ma curiosité s’est aiguisée. Je n’ai pas regretté d’y être allé et j’ai été frappée par la puissance d’évocation symbolique et quasi-philosophique de ce film, la dimension mythologique des héros prenant un nouveau sens de par l’histoire récente des Etats-Unis.
Le Joker à la tête d’un clown grimaçant et au corps saccadé occupe l’écran de manière totalement envahissante. Batman, Gordon, et les autres personnages (Harvey Dent pour Double-face et Maggie Gyllenhaal pour Rachel Draw) apparaissent plutôt en demi-teinte, comme si l’aspect omniprésent du Joker déstructuré reflétait la peur, l’incertitude et une certaine perte de repères des américains face à un monde de moins en moins contrôlable. 9-11 (à prononcer nine – eleven, soit le 11 septembre) est encore présent dans les esprits et le personnage du Joker qui brise toutes les règles et invente les pires pièges évoque à sa manière l’ombre du terrorisme désormais inscrit dans l’inconscient collectif des américains. Le Joker veut avoir la peau de Batman et se vante de faire régner l’imprévisible sur le prévisible. Un cri de guerre est lancé à la culture pragmatique, organisée et scientifique des américains qui aiment contrôler la situation et la prévoir. Le Joker
Dans ce film, tourné en grande partie à Chicago, et où bien des images nous évoquent New York, au milieu de fantastiques cascades et rebondissements, le comportement déjanté du Joker vient remettre en question les anciens modèles qui ont fait l’Amérique, un peu comme le western avait évolué à son heure, lorsque les cow-boys n’étaient plus les seuls bons et les indiens les seuls méchants. Les héros ne sont plus de simples super-héros mais des personnages ambigus qui en voulant faire le bien peuvent faire le mal, comme notre Bruce Wayne, financier play-boy le jour et Batman justicier la nuit (la réussite dans la finance est un symbole bien fragilisé aujourd’hui) ou le procureur général Harvey Dent en lutte contre la pègre qui se transformera à la fin du film en un personnage Double-face,
Amérique, tu as été défiée par la folie du terrorisme. Mais la « technique » du justicier du monde est-elle encore justifiée voire crédible aujourd’hui ? Pour Batman, the Dark Knight, la question aussi est là.
Voir aussi l’excellent article du New York Times qui a eu une interprétation assez proche de la mienne. http://movies.nytimes.com/2008/07/18/movies/18knig.html
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