« Les voyages forment la jeunesse » et pas seulement la jeunesse, car aujourd’hui de plus belle, les voyages et les contacts avec les autres cultures continuent à forger mon regard. Il est vrai qu’en terme d’interculturel, j’ai été bien servie dès ma plus tendre enfance, et ce n’est sans doute pas un hasard si je m’y consacre professionnellement. Chaque pays m’a apporté ou m’a révélé des traits de caractère qui font ce que je suis. J’apprécie la franchise du rire africain, la flexibilité du Brésil, l’optimisme et le pragmatisme américain, les racines, la tradition et les rituels européens, la vision systémique chinoise.
Née sous le signe de l’Afrique
Mes parents étaient tous deux fonctionnaires internationaux : mon père, avocat et ESSEC de formation, travaillait à l’ONU, ma mère, économiste, à l’OCDE www.oecd.org. L’un et l’autre voyageaient en permanence en Afrique dans le souci du développement de ces zones désertiques et dites alors « sous-développées ». Je garde encore une collection impressionnante de cartes postales envoyés par mes parents de girafes, de zèbres, de femmes pilant le mil et d’enfants accrochés dans leur dos. (photo de masque africain Ognon). Ils menaient tous deux une vie un peu « hors frontière » fréquentant un monde très international au sein de leurs institutions respectives. Une grande familiarité avec l’élite africaine se développa dès mon enfance, et ces nombreux visiteurs souvent vêtus de leurs élégants boubous, me permirent d’apprécier d’emblée les collègues africains de mes parents et d’entrevoir l’immense richesse de cette culture.
Elevée dans le culte de la Lorraine
Cette appartenance à un monde et donc à une culture internationale cohabitait avec le monde d’industriel lorrain porté par ma grand-mère, socle de la famille. Née Wendel, faisant partie des «deux cents familles » les plus riches de l’entre deux guerres, ma grand-mère me contait son attachement pour Joeuf et Hayange et l’odeur des hauts-fourneaux. Elle et son mari cohabitaient avenue de New York avec mon arrière grand-mère, Andrée de Wendel, d’un autoritarisme légendaire. Elle commanda à José Maria Sert pour le salon de musique de cet hôtel particulier, une fresque aujourd’hui exposée au Musée Carnavalet. On disait dans la famille qu’elle avait posée comme modèle pour la création de la Reine de Saba.
Dans le milieu des années 70, les conséquences du premier choc pétrolier se font sentir, et la crise de la sidérurgie atteindra son sommet en 1978, date à laquelle le gouvernement Barre décide de la reprise par les banques publiques de Sacilor, la filiale acier du groupe Wendel. Cette date marque incontestablement un tournant pour la famille dont le destin se sépare définitivement de son métier principal, la sidérurgie, et la Lorraine, terre d'élection des Wendel depuis le XVIIème siècle. Ma grand-mère considérera ce changement comme une catastrophe, même si son fils, Ernest Antoine Seillière, reprend les rennes de l’affaire et va développer, à partir des participations qu'a conservé la famille lors du choc, une brillante société d'investissements, la CGIP, aujourd’hui Wendel Group www.wendelgroup.com. Une aventure entrepreneuriale illustrée également par sa présidence au MEDEF.
Formée très jeune aux Etats-Unis d’Amérique
En 1974, j’avais douze ans, ma mère m’envoie un an aux Etats-Unis avec son frère Ernest-Antoine Seillière, également mon parrain, et sa famille. Ce séjour était destiné à m’aider à me remettre de la mort de mon père, décédé peu avant en 1972 et démarrer l’indispensable immersion américaine prônée par ma mère, américanophile dans l’âme. Me voici projetée avec joie en “seventh grade” de la Concord Peabody Middle School www.colonial.net/schoolweb/cmsweb une école à la pédagogie novatrice, radicalement différente de mon collège du Centre Madeleine Danielou. Nous sommes en pleines festivités du « Bicentennial » (1775 – 1975), au cœur de la Nouvelle-Angleterre, dans la petite ville de Concord, et le Président Ford vient célébrer l’exploit du « Minuteman » qui, en étant le premier à tirer sur l’armée britannique, démarra symboliquement “the American Revolution”.
Trois ans plus tard, un ami américain de ma mère fut chargé de trouver pour ma sœur et moi des familles d’accueil. Tour de malice, et choix glorieux, David nous envoya, ma sœur et moi, dans des familles très « démocrates » engagées politiquement dans la lutte pour les droits des noirs et des défavorisés. C’est là que se créa avec les remarquables Peter et Marian Edelman une amitié indéfectible et qui renforça très certainement mon humanisme. Avocate de formation (Spelman et Yale), Marian Wright Edelman se fit l’avocate du droit des enfants en fondant The Childrens Defense Fund www.childrensdefense.org. Elle se bat pour les droits civiques des noirs auprès de Martin Luther King. En 2002, Marian me convia à partager avec elle et son équipe une semaine dans le Tennessee, à Haley Farm, terre du célèbre roman The Color Purple d’Alice Walker, où j’écoutais les pasteurs baptistes méditer et prier pour la société d’aujourd’hui. Un bain de gospel et de sermons riches et vivants.
Introduite par Marian et Peter je décrochai un stage au Sénat américain auprès de Ted Kennedy en 1982. Ce fut mon initiation aux institutions et au fonctionnement politique américains. Je découvris combien un homme pouvait faire l’objet de projections fortes en héros ou en démon. Mon éducation américaine se poursuivit en 1985 par un trimestre de Business School à l’Université de Chicago www.chicagogsb.edu. Comme une dizaine d’année plus tôt, je replongeai dans une pédagogie à l’américaine, travail en équipe, études de cas, et des études vécues vraiment comme une passerelle directe vers le professionnel.
Intriguée par l’Europe
Pendant mes études, je rencontrai sur ma route une joyeuse bande qui rêvait de créer un grand mouvement de rassemblement des étudiants européens. C’était en 1985-1986. Et me voilà membre fondatrice des « Etats généraux de l’Europe », l’EGEE, rebaptisée l’AEGEE depuis et regroupant aujourd’hui plus de 17000 étudiants de 42 pays européens. Je conçus le programme avec des étudiants de toutes les grandes écoles françaises, recherchai des financements et organisai l’événement dans les différents campus. De cette expérience je retire l’incroyable force des identités nationales de nos différents pays. Mêmes voisins, cousins, des traits tellement spécifiques, presque caricaturaux nous distinguaient. J’en ai conclu, et j’en reste convaincu, que ce n’est pas parce qu’on est européen que la question interculturelle ne doit pas nous concerner. Les deux séminaires de formation que j’ai organisé autour de l’Allemagne et de l’Italie sont là pour me le prouver.
Imprégnée par la culture brésilienne
Ma rencontre en 1983, puis mon mariage en 1985 avec Mario Carelli jusqu’à son décès en 1994, ouvrit une grande page brésilienne dans ma vie. En effet, ce fils de père brésilien d’origine italienne et de mère française consacrait sa vie à des recherches sur France- Brésil, Cultures croisées, titre d’un de ses ouvrages, tout comme Brésil, épopée métisse. www.fluctuat.net/2615-Bresil-epopee-metisse-Mario-Carelli. Traducteur de Machado de Assis, de Lucio Cardoso, grand ami de Jorge Amado et de Rachel de Queiroz, admirateur de l’époque moderniste, Mario me fit découvrir année après année tous les recoins du Brésil, ses peintres, ses écrivains, son architecture, son histoire. Au-delà de nos voyages et de nos rencontres à Rio, Sao Paulo, Bahia, Ouro Preto, Fortaleza, Sao Luis, Recife, Manaus, le Pantanal du Matto Grosso, etc., je me laissai prendre par cette incroyable joie à vivre dans l’instant présent et cette bienveillance dans les relations humaines. Alors que Mario se spécialisa dans la culture érudite, dirons-nous, son frère Vincent Carelli est aujourdh’ui une référence sur les indiens du Brésil www.videonasaldeias.com.br et sa sœur Chica Carelli, actrice, la Directrice du Théâtre Vila Velha www.teatrovilavelha.com.br à Bahia, qui met en scène des pièces jouées par des acteurs en majorité noirs.
Ouverte sur la Chine
Remariée en 1997, mon mari Bruno Bonamy (déjà père de deux grandes filles) et moi décidons d’entreprendre une démarche d’adoption qui se concrétisera par l’arrivée d’une petite fille de neuf mois d’origine chinoise en 2003. Pratiquant le Qi cong et le Taï Chi depuis de nombreuses années, j’étais séduite par la philosophie du yin et du yang, mais n’en savait guère plus. Par le biais des étudiants chinois qui viennent faire leurs études dans les grandes écoles et initier ma fille à la langue chinoise, par nos voyages réguliers en Chine, par des échanges avec des business men chinois, je suis familière du mode d’être chinois et de ses subtilités de langage.
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